On doit toujours s’excuser de parler peinture. Mais il y a de grandes raisons de ne pas s’en taire» écrit Paul Valéry. L’art le plus explicite comme le plus secret suscite le dialogue, ou par l’interrogation qu’il suscite une amorce de réponse. Denis Prieur est peintre, et vit son art avec la conscience d’un devoir qu’il accomplit quotidiennement dans la discipline d’un métier dont il maîtrise les arcanes. Il l’exerce animé de certitudes, dont celle d’une inspiration qui a pour source l’amour de la figure humaine. Pas seulement pour ce qu’elle peut signifier, mais en tant que nature, une sorte de microcosme censé refléter l’univers, gardien des signes de beauté
L’artiste écrit en juillet 1995 « J’ai étudié dans un atelier où l’on apprenait le réalisme. Il ne manquait qu’une chose à cette école pour être vraie c’était le mystère ». Pour Delacroix, qu’il admire et « aime énormément », toutes les formes offertes par la nature constituent un dictionnaire où l’artiste va retremper ses impressions fugitives ». Chez Denis Prieur, la forme et l’esprit, la matière et l’imagination s’unissent pour un tableau conduit harmoniquement. C’est le sentiment d’unité qui déter­mine tout le processus, et conséquemment tous les sujets sont bons. À la réalité pragmatique, l’artiste substitue la réalité picturale.
Il n’a jamais renoncé à construire ses toiles à partir d’une observation directe de ce qui l’entoure. Ce qui frappe le plus c’est un assemblage de formes, débarrassées de tout détail intérieur qui en expliquerait le contenu. L’apparente fragmentation des formes est reliée par des tracés régulateurs qui leur gardent une lisibilité. Péremp­toirement simplifiée, la composition use de couleurs pures, dont il nous dit que chacune a son langage selon le peintre.
Il exalte une palette flamboyante, des rouges, des bleus rabattus avec du blanc pour obtenir les teintes de la lu­mière. Les couleurs restent en présence grâce à un maximum de saturation et s’accordent par la modulation, et par la stylisation du trait. L’ombre elle-même est devenue une couleur tandis que la lumière représente sa propre clarté. La lumière unifie l’espace, devenu une présence palpable.
Son attachement au réel n’est jamais remis en cause, il est simplement un moyen de prospection en accord avec une vie intérieure pour « errer librement et m’expri­mer agilement avec toutes les « permissions » dit-il. Dans son refus du hasard, il revendique le travail quotidien qui fortifie sans aliéner sa liberté de peindre. Il dessine pour retenir des formes qu’il utilisera à son gré dans une composition. Il y a aussi ces dessins à la mine de plomb pensés dans leur finitude.
C’est en pleine conscience des possibilités de l’artiste et des exigences de l’art de son temps dans la continuité de celui du passé que Denis Prieur atteint à la maturité de sa peinture.

Lydia Harambourg